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01/05/2016

Une situation inquiétante

Editorial

L’Europe se délite. Les inquiétudes d’hier étaient justifiées. Peu à peu, les faits s’ajoutant aux paroles et aux actes témoignent de la faiblesse dans laquelle se trouve aujourd’hui le clan des partisans d’une construction européenne pouvant déboucher sur la naissance d’une authentique puissance européenne.

J’observe, et ceci est plus inquiétant encore, que nombre d’avocats de la constitution d’une Europe plus unie, plus soudée, plus politique n’ont pas une claire vision de ce que sous-entend et implique le concept même d’une Europe souveraine, concept que je défends pour ma part depuis de nombreuses années.

Mais aujourd’hui, et ceci est encore plus grave, une question doit être posée prioritairement et appelle une réponse rapide : est-il encore possible, encore temps, pour les plus ardents défenseurs de la cause des peuples européens, de sauvegarder l’essentiel de ce qui a été accompli par les générations précédentes puisque force est de constater que celle qui est aux responsabilités ou l’a été dans un passé récent a laissé se déliter un grand projet par manque de conviction ou de volonté si ce n’est des deux à la fois.

La foi en la construction européenne n’est pas en effet leur credo. Trop de femmes et d’hommes ont laissé se ternir l’image d’une Europe puissance faite de citoyens unis dans la diversité préférant privilégier une Europe fondée moins sur les valeurs que sur la conquête permanente de nouvelles parts de marché. A trop vouloir élargir sans approfondir, ils ont éloigné les peuples et ont distendu les liens qui les unissaient les uns aux autres alors que le projet européen devait rapprocher et rassembler.

Depuis des années, nous sommes un certain nombre à appeler de nos vœux un sursaut. Il tarde à venir et il se fait désormais bien tard !

 

Gérard-David Desrameaux

02/02/2016

Hommage à une avocate de la cause européennne

J’ai suffisamment dénoncé depuis de nombreuses années le manque de courage et de volonté en faveur du projet européen de la part des femmes et hommes politiques pour ne pas rendre ici hommage à une femme de conviction, Madame Marielle de Sarnez, qui vient, dans le cadre du Club de la Presse d’Europe 1 du 28 janvier 2016, de mettre en avant un certain nombre d’idées que nous partageons pour l’essentiel.

C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité reproduire certains passages de cette intervention, à savoir ceux reproduits par le Mouvement démocrate sur son propre site, même si je dois constater que la bande son était plus percutante et le message plus complet et convaincant (notamment sur l’Europe des trois cercles préconisée par François Mitterrand et le fait qu’il n’y avait plus de président de la République vraiment européen depuis la disparition de ce dernier).

Gérard-David Desrameaux

 

 Extraits de l’intervention de Mme Marielle de Sarnez lors du Club de la Presse d’Europe 1 du 28 janvier 2016

Schengen 

"Il y une irresponsabilité de l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement qui est consternante. Aucune anticipation, aucune stratégie politique, aucune vision pour la gestion des réfugiés et des migrants qui sont deux gestions qui devraient avoir une réponse différente, or on a mêlé les deux. Donc, aujourd’hui la commission européenne pointe du doigt la Grèce qui lui explique qu’elle n’a pas fait son travail et qu’alors ils vont sortir de Schengen. Si on considère que Schengen existe à ce moment-là la frontière de la Grèce ce n’est pas seulement la frontière de la Grèce. C’est la frontière de l’Union européenne. Et les responsables de cette frontière qui doivent faire en sorte qu’elle soit contrôlée afin de pouvoir réguler sont les chefs d’Etat qui composent l’Union européenne. Sinon, l’Union Européenne va se défaire. Jamais les défis n’ont été aussi lourds de toute l’histoire européenne : la crise migratoire, la crise des réfugiés, et on peut y ajouter le Brexit, le Grexit. Nous n’avons jamais autant attendu de réponses de l’Europe car, en effet, cela ne peut être que des réponses européennes. Nous ne pouvons pas avoir uniquement que des réponses nationales sur ces questions. Il faut évidemment contrôler les frontières mais cela doit être une responsabilité partagée par tous les membres de l’Union Européenne. Comment voulez-vous que les grecs fassent front tous seuls ?

De plus, nous ne pouvons pas déléguer la gestion de nos frontières aux Turcs. Nous devons avoir des gardes côtes aux frontières européennes et les contrôler comme toutes les grandes puissances du monde. Il faut aussi réguler le flux des réfugiés politiques et regarder qui peut éventuellement prétendre au droit d’asile. L’Europe doit accueillir des réfugiés mais cela doit se faire correctement sinon ce sont les réfugiés qui vont le payer encore plus. Les pays du monde entier doivent accueillir des réfugiés, pas seulement l’Europe.

Le problème est que les chefs d’Etat annoncent ce qu’ils vont faire mais n’agissent pas et ne prennent pas de décisions. Avant, il y avait un axe franco-allemand qui était un moteur, or il n’existe plus. François Hollande et Angela Merkel sont pris dans des querelles et des questions intérieures.

Nous n’avons jamais eu autant de scepticisme envers l’Europe et de populisme mais ces gens-là savent au fond que les réponses ne peuvent être qu’européennes. Ils attendent des réponses au niveau européen. Ce n’est pas si compliqué de mettre près de 2000 à 3000 personnes pour protéger les frontières, d’envoyer plus de 3 ou 4 bateaux pour surveiller les frontières, que ce n’est pas à la Turquie de surveiller nos frontières, d’harmoniser la politique du droit d’asile et de réformer la convention de Dublin.  Je suis allée voir dans les camps de réfugiés et il me semble qu’il est possible de faire les demandes d’asile dans ces mêmes camps plutôt que de le faire une fois sur le territoire européen et ainsi risquer la vie de leurs enfants. Il faut aussi régler la crise de la Syrie. Il faut doter Frontex d’un réel budget  et chacun des pays membres de l’union européenne doit y contribuer. Le seul contrôle des frontières n’est pas la solution unique.

La France doit prendre sa part de responsabilité et doit être à l’initiative. Or, ce n’est pas le cas.  Nous pouvons agir !"

Le Brexit

« Il ne faut pas céder au chantage des Britanniques. Cameron joue avec tout ça, en disant :

« Vous allez voir ce que vous allez voir ». Écoutez on a qu’à voir. Les anglais ont fait défaire l’UE depuis des années, si ils veulent partir qu’ils partent. Je ne dis pas que je suis pour. Je dis que si ils veulent partir qu’ils partent. Il y a un moment où il faut qu’ils acceptent le jeu, la règle, des solidarités. On ne peut pas être dehors et dedans. »

L’Union Européenne et l’élargissement

« D ‘autre part je pense que la question de l’élargissement est une vraie question. Ce qui manque dans l’Europe, c’est que les citoyens ne se sentent pas au fond partenaires de ce qui se passe, ils ne voient pas la démocratie.

Il faut une Europe avec des cercles et d’ailleurs pourquoi pas mettre un jour la Turquie dans un cercle plus large qui soit le cercle d’un marché ou du commerce. Mais pas dans l’Union Européenne.

Plus personne ne porte de projets, plus personne n’a de vision. Quand ni la France, ni l’Allemagne ne portent un projet c’est lourd pour l’Union européenne.

Il faut une zone euro renforcée, c’est à dire qu’il faut de l’intégration européenne dans le cadre d’une zone euro. C’est logique de le faire avec les pays qui ont une monnaie commune. On a fait la monnaie sans faire la coordination du reste.

Si on pouvait claquer des doigts pour que ça se passe, je vous dirais claquons des doigts. Je crois que nous avons raison de penser cette construction comme un noyau dur qui doit aller vers davantage d’intégration fiscale, économique, sociale. Ça ne se fait pas parce qu’il n’y a pas la volonté de le faire, ça ne se fait pas parce qu’à 28 on a du mal à décider. 

L’Europe, c’est éternel, et l’Union Européenne existera parce que dans la réalité des choses on ne pourra répondre à un seul des problèmes dont nous avons parlé tout à l’heure si on ne le fait pas ensemble. Imaginez qu’on puisse séparément régler les problèmes des guerres, des flux de migrants, des déstabilisations, des flux de réfugiés, de la crise de confiance économique et sociale sans faire les choses ensemble, c’est raconter des histoires.

Il y a un manque de courage et de vision. La vision est à court terme, personne ne regarde ce qu’on peut faire dans 6 mois, un an. Il n’y a pas d’anticipation, on ne prévoit pas les choses. On ne porte pas de projets. »

 

01/02/2016

Aux Européens de reprendre l'initiative

Editorial

 

(Extraits d’une intervention faite le samedi 16 janvier 2016 à Paris devant des responsables et militants de la cause européenne)

 L’Europe a certes progressé sur certains plans, en particulier sur le plan monétaire, même si bien des obstacles se sont présentés sur son chemin en l’absence notamment d’une politique économique commune et d’une harmonisation fiscale et sociale.

Mais nous assistons surtout, nonobstant certaines avancées généralement acquises à la faveur de crises à répétition et de sommets de la dernière heure, voire de la dernière chance, qui ternissent l’image de l’Europe auprès des citoyens, à une sorte de blocage, de paralysie.

L’Europe n’avance pas, car c’est l’intergouvernemental qui commande aujourd’hui. Il manque une volonté. Il manque une ambition européenne. Il manque surtout une vision claire de l’avenir de l’Europe.

Nous observons aussi une absence de véritable souffle, une absence de leaders ou de dirigeants, d’hommes politiques et de chefs d’Etat compris, ayant une dimension prophétique et un charisme suffisant permettant de galvaniser les énergies et d’entraîner des peuples gagnés par le doute.

Beaucoup parlent d’Europe, mais quid du contenu de cette Europe, de sa nature, de son objet ? Les réponses divergent de plus en plus et les citoyens de nos diverses nations sont de plus en plus perplexes.

Sans vouloir caricaturer, il faut admettre que l’élargissement prématuré de l’Union européenne avant de procéder à l’approfondissement indispensable si l’on voulait faire le choix d’une Europe politique plus intégrée, donc d’une puissance, a privilégié l’émergence d’une zone économique, d’une zone de libre échange.

Aujourd’hui, le projet européen vacille. Rares sont les femmes et les hommes politiques qui osent prendre la défense de l’idée même d’Europe. Le courage n’est pas très présent car l’air du temps ne suscite pas des vocations européennes.

Les nationalismes sont de retour. Les vagues migratoires et désormais l’arrivée massive dans certains Etats de l’Union de réfugiés dans le plus grand désordre ravivent les peurs, les craintes et les angoisses et ces dernières sont exploitées par les europhobes de toujours.

Dans le même sens, il faut regretter et plus encore dénoncer l’absence de concertation et de coordination dans un trop grand nombre de domaines.

Chaque Etat se doit en effet d’agir en concertation avec les autres Etats.

Prenons à titre d’exemples, parmi beaucoup d’autres :

Le problème des réfugiés et la position de la chancelière Angela Merkel.

L’absence de politique étrangère, sinon commune, du moins concertée, en dépit de l’existence d’une ministre des affaires étrangères, vice présidente de la Commission.

L’absence de défense européenne alors qu’il serait utile de procéder au moins à une mutualisation des moyens et à une meilleure répartition des charges.

L’absence d’harmonisation fiscale, sociale, économique.

Sur un certain nombre de points, il y a urgence à sortir de l’ambiguïté, si nous voulons que l’image de l’Europe auprès des peuples de l’Union ne soit pas davantage ternie.

Quid, à cet égard des Etats qui ne respectent pas l’Etat de droit ? Je pense notamment à la Hongrie et à la Pologne.

Quid de Schengen ? Quid des relations avec la Turquie, qui n’a évidemment pas sa place au sein de l’Union européenne si nous faisons le choix d’une Europe puissance. * (voir Pour une Europe puissance, p. 144). Quid également des relations avec l’Ukraine ?

Il faut en finir avec une certaine forme de cynisme et tenir un discours clair et responsable sur tous ces points comme sur beaucoup d’autres.

L’Europe, qui n’a pas anticipé certains événements du fait que les Etats jaloux de leurs prérogatives ne l’ont pas dotée des instruments de la puissance, est débordée et, comble du paradoxe, montrée du doigt.

Or, c’est l’impéritie des Etats, c’est le refus de toute structure d’essence fédérale qui permet aux europhobes de toujours de dénoncer et de condamner l’Europe.

Si l’Europe a failli sur bien des points, c’est parce qu’elle ne disposait pas des moyens lui permettant de mener une politique de puissance, c’est-à-dire dotée des instruments de la souveraineté.

Promouvoir une Europe puissance, une Europe souveraine, c’est assurément un grand dessein mobilisateur.

A cet égard, j’ai toujours dénoncé la collusion de fait entre les souverainistes et les adeptes d’une Europe se réduisant à une simple zone de libre échange.

A cet égard aussi, il faut rappeler que j’ai toujours estimé qu’il fallait, face à cette collusion, appeler les défenseurs de l’Europe puissance à se rassembler en transcendant leurs clivages politiques pour faire avancer ce grand projet, ce grand dessein.

Face à la montée en puissance des populismes et des replis identitaires et nationalistes, il faut que les partisans d’une Europe puissance, d’une Europe souveraine, au-delà de leurs légitimes différences sachent transcender leurs clivages et divergences.

Face au silence des politiques, face à la timidité des partis politiques, face à l’inertie des forces hier mobilisées en faveur de la construction européenne et aujourd’hui bien promptes à mettre leur drapeau dans leur poche, Il faut reprendre l’initiative. Comment ?

 

Se contenter de vouloir unifier des forces en créant une structure unique regroupant plusieurs organisations ne permettrait pas de relancer une dynamique. Un plus un font rarement deux.

En revanche, il convient d’établir des liens entre différentes associations et organisations militant en faveur de la construction européenne en s’inspirant de la devise de l’Union européenne : « Unis dans la diversité. ». Etablissons des convergences, des relais, amplifions nos messages respectifs dès lors qu’ils vont dans le même sens. Sachons nous mettre d’accord sur les objectifs fondamentaux qu’il convient d’atteindre.

Là encore, il faut définir et affiner le grand dessein d’Europe souveraine.

Il faut s’entendre sur des valeurs. Il faut devenir plus offensifs, ne pas se contenter de slogans creux et vagues. Il faut faire preuve de plus de pédagogie. Il faut donner du sens et du contenu au concept d’Europe que nous entendons défendre et promouvoir. Il faut être en effet particulièrement rigoureux et précis quand on se déclare favorable à la construction européenne.

Il faut surtout expliquer pourquoi l’Europe souveraine, si elle existait, permettrait aux différents Etats qui la composeraient, d’exister davantage sur la scène du monde.

Sachons désigner nos adversaires qu’ils soient europhobes, eurosceptiques ou souverainistes.

Nous pouvons également envisager des actions ponctuelles, établir des pétitions, publier des communiqués.

Les temps sont mauvais pour l’Europe.

Des vents contraires se sont abattus au dessus des différents pays de l’Union.

On observe une absence de volonté politique, une absence de courage et souvent de convictions européennes chez la plupart des dirigeants politiques, nationaux et européens.

Certes, quelques personnalités à Bruxelles, à Strasbourg, notamment, disent et semblent vouloir faire progresser la construction européenne.

 

Pour autant, nous ne pouvons que déplorer et regretter l’absence d’initiative forte et concrète.

La simple évocation d’une relance du projet européen suscite ici et là maintes réticences.

Alors, on se contente de colmater les brèches.

On gère. On fait le dos rond. On attend des jours meilleurs.

On parle d’Europe, sans y croire vraiment.

Une dynamique nouvelle s’impose au plus haut niveau. Un nouveau départ est nécessaire. Il faut aller vers un acte fondateur fort.

Des associations, des groupes et mouvements comme les nôtres ont un rôle à jouer à la fois auprès des citoyens, des partis.

Ils se doivent aussi d’interpeller les dirigeants politiques, les gouvernants et les chefs d’Etat afin qu’ils lancent un appel en faveur d’une relance du processus de construction européenne et s’emploient réellement à porter un tel projet.

L’Europe à 28, il faut l’accepter, ne peut être aujourd’hui le cadre idéal pour l’Europe souveraine préconisée.

Celle-ci peut et doit se faire, mais au départ, en tout état de cause, elle ne peut que concerner un nombre limité d’Etats désireux de s’engager dans la voie d’un véritable fédéralisme impliquant des délégations, voire des abandons de souveraineté.

Peut-on, doit-on parler d’avant-garde ? de l’Europe des trois cercles, concept défendu en son temps par le président François Mitterrand ou du projet Europa préconisé par le président Valéry Giscard d’Estaing ?

L’Europe de nos vœux est à construire. N’oublions jamais qu’il s’agit de construire l’Europe des hommes, l’Europe des citoyens et non l’Europe des nationalismes et des tribus, ni même celle des seuls marchands.

C’est à une communauté de destin qu’il convient de donner le jour.

A cet égard, parmi bien d’autres propositions qu’il conviendrait de faire, nous devrions réfléchir sur l’intérêt de faire coïncider les élections européennes avec les élections nationales propres à chaque Etat, cette mesure permettant à la fois une meilleure mobilisation et une européanisation des programmes, le renforcement du Parlement européen avec une meilleure prise en considération du poids démographique des Etats, une valorisation en toute circonstance de la devise européenne, de l’Hymne et du drapeau européen et un renforcement de la notion de citoyenneté européenne.

Une véritable mobilisation s’impose, avec l’espoir qu’il n’est pas désormais trop tard.

 

Gérard-David Desrameaux