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25/11/2012

UNE AVANCEE VERS LE FEDERALISME ENCORE BIEN TIMIDE

Editorial

Au cours de l’été 2012, il semble que l’idée d’aller vers plus de fédéralisme a quelque peu progressé chez beaucoup des principaux dirigeants européens et notamment chez Messieurs  Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe et  Mario Draghi, président de la BCE.

Certes, il n’est pas encore question de fédéralisme au sens où on l’entend généralement au plan institutionnel. La démarche des uns et des autres se veut pragmatique et écarte tout bond en avant spectaculaire. Quant aux chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union, ils se montrent pour leur part bien plus réservés et prudents.

Certains font des propositions qui à défaut d’être audacieuses mettent en avant la nécessité d’une harmonisation des politiques budgétaires, mais ils sont particulièrement timides lorsqu’il s’agit de déléguer une part de souveraineté à des institutions communes nouvelles et réellement représentatives des Etats et des peuples composant l’Union et plus particulièrement encore de la zone euro.

Les désaccords actuels au sujet de l’adoption du budget européen illustre hélas le fossé qui existe entre certains des membres de l’Union européenne et sur l’existence d’un réel malentendu quant aux finalités de la construction européenne et sur la vocation de l’Union.

Le fédéralisme évoqué par les dirigeants des principales institutions européennes, s’il ne signifie pas nécessairement dès maintenant l’élection d’un président de l’Union au suffrage universel direct et des institutions se substituant pour l’essentiel à celles de chacun des Etats parties prenantes à la construction européenne, implique en revanche l’existence d’un contrôle démocratique des peuples et des Etats de l’Union européenne et plus encore, pour d’évidentes raisons, de la zone euro.

Ce contrôle passe par un renforcement à la fois du Parlement européen et des Parlements nationaux qui devraient être associés au vote des budgets de l’Union et des budgets de chaque Etat, en commençant bien évidemment par ceux appartenant à la zone euro.

A cet égard, il conviendrait que seuls les Etats, membres de cette zone  qui ont accepté de faire un pas décisif vers le fédéralisme monétaire et donc demain budgétaire,  soient appelés à voter le budget de la zone euro et à le contrôler.

C’est inhérent à la nature de cette «coopération renforcée». Il ne serait tout simplement pas logique et cohérent, en effet, que des Etats qui n’ont pas accepté de déléguer une part de leur souveraineté et ne participent pas à la montée en puissance de la zone euro puissent de quelque façon que ce soit freiner ou hypothéquer l’avenir de ces Etats qui ont décidé d’aller de l’avant et de montrer la voie. Et ce, au prix, s’il le faut, et cela n’a rien de surprenant ni de dramatique, de permettre l’émergence d’une Europe à deux vitesses.

Les Parlements ont au cours de l’Histoire conquis leur pouvoir en votant le budget. Si l’on croit en une Europe puissance, il faut admettre que cela passe par un pouvoir renforcé d’un Parlement européen plus représentatif des peuples qui y sont représentés même si dans un premier temps un mécanisme associant les Parlements nationaux et le Parlement européen siégeant dans une formation ne prenant en compte que les représentants des Etats membres de l’Eurogroupe pourrait constituer une avancée indiscutable dans la voie d’un ensemble de type fédéral.

Pour autant, n’oublions pas qu’une authentique union économique et monétaire implique une harmonisation des fiscalités et des politiques sociales des mêmes Etats si l’on veut le succès de l’entreprise.

On mesure le chemin qu’il reste à parcourir au vu des dissensions actuelles et de récentes déclarations.

Le fil qui sépare le pessimisme de l’optimisme est particulièrement ténu en ces temps d’incertitude.

 Gérard-David Desrameaux

Président-fondateur du RCE

24/11/2012

LE TRAITE BUDGETAIRE EUROPEEN - UN TRAITE D'AUSTERITE ?

Tribune libre

Le Parlement français a donc adopté récemment le traité budgétaire européen. Ce texte a fait longtemps débat dans la classe politique française. Qualifié de « traité d’austérité » par ses opposants, il a même divisé la majorité actuelle lors de son adoption.

Son intitulé complet est : « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ». Son objectif, comme celui des traités précédents est d’aboutir à un assainissement contrôlé des finances publiques des Etats de l’Union signataires.

Les traits saillants de cet accord sont les suivants :

Le traité s’inscrit dans le prolongement des textes adoptés antérieurement depuis la création de l’Union monétaire en 1997, tel que le Pacte de stabilité et de croissance (du 21 septembre 1996). Ce dernier prévoyait déjà une procédure pour déficit excessif, mais au vu des difficultés budgétaires rencontrées ultérieurement, il avait été assoupli dès 2005.

De fait, le nouveau traité contient assez peu d’éléments novateurs, il a plutôt pour effet de « codifier » les principes et règles existants et d’en renforcer ainsi, à priori, l’application. La surveillance de l’évolution des budgets nationaux devrait s’en trouver renforcée.

L’absence de bouleversement du cadre applicable trouve son illustration dans le fait que le Conseil constitutionnel français (décision du 9 août 2012) n’a rien trouvé à redire au projet de traité sous l’angle du respect de nos principes constitutionnels. En effet, le traité en prévoyant d’imposer aux Etats d’introduire une « règle d’équilibre budgétaire dans le droit national, au moyen de dispositions de préférence constitutionnelles » n’aboutissait pas nécessairement à une modification de la norme suprême française. Dès lors, le Conseil a estimé que le traité ne demandait pas à la France d’abandonner d’autres pans de sa souveraineté que ceux déjà intervenus au cours de la construction de l’Europe. Tel était en particulier le cas de l’obligation déjà existante du respect des déficits publics limités à 3 % du PIB et de l’endettement encadré à un maximum de 60 % qui figurait déjà dans le traité de Maastricht.

La décision du Conseil ouvre ainsi la voie à une mise en œuvre du traité par « simple » modification de la loi organique, laquelle s’imposera en toute hypothèse aux lois de finances successives. C’est en fait cette loi organique qui devrait encadrer plus strictement la procédure budgétaire et faire en sorte que les budgets préparés puis adoptés par le Parlement, s’inscrivent plus directement dans les objectifs et contraintes financières de l’Union européenne. La procédure interne à venir prévoit ainsi la mise en place d’un Haut Conseil des Finances publiques, nouvelle Autorité administrative indépendante placée auprès de la Cour des comptes. Cette Autorité sera chargée, plus particulièrement, d’attester de la sincérité financière des projets de loi de finances ; le Conseil constitutionnel étant, en dernier ressort, le garant de cette sincérité budgétaire lors de son examen obligatoire des lois de finances après leur adoption par le Parlement national.

Le nouveau traité devrait également avoir un impact sur les mécanismes de sauvetage financier des Etats (Mécanisme européen de stabilité – MES ; traité adopté en juillet 2011 au sein de la zone Euro) dans la mesure où il lie le recours possible au MES à l’adoption du traité budgétaire européen par un Etat demandeur d’aide financière. Il est rappelé que le MES permet le rachat de dettes des Etats par ce fonds afin de faire baisser leurs taux d’intérêts nationaux et de permettre de recapitaliser leurs banques. Il s’agit donc là d’une incitation à la ratification du traité par les Etats de l’Union.

Le traité institue parallèlement une « règle d’or » s’imposant aux administrations. Il prévoit ainsi que : « La situation budgétaire des administrations publiques est en équilibre ou en excédent ». Les Etats ne devraient pas pouvoir dépasser un déficit structurel ( 0,5 à 1 % du PIB), hors période de crise économique avérée – ou de circonstances exceptionnelles. Dans cette dernière hypothèse, les Etats en récession seront autorisés, après accord du Conseil européen  (réunion des chefs d’Etat et de Gouvernement) et de la Commission, à engager des dépenses budgétaires visant à soutenir l’activité économique. Cette disposition n’entrera en vigueur qu’un an après celle du traité. Ce mécanisme sera contrôlé, in fine, par la Cour de justice européenne.

La question s’est également posée, un moment, de savoir si ce traité a véritablement été renégocié par la France. Chacun se souviendra des propos tenus par les uns et les autres durant la campagne électorale des récentes présidentielles. Force est de constater que le texte actuel est bien celui qui avait été paraphé à l’époque par le Président Sarkozy. Reste que l’actuel président de la République estime que le traité n’est qu’un élément du « Paquet européen », lequel comprend des avancées telles que : la mise en place d’un mécanisme nouveau de supervision du secteur bancaire et le pacte de croissance. Ce dernier élément vise à mobiliser un ensemble de crédits européens afin de relancer la croissance au sein de l’UE. Il prévoit également de créer des « project bonds » (emprunts obligataires pour le financement de grands projets d’infrastructures). On relèvera, s’agissant de la mobilisation des crédits européens, qu’il s’agit en réalité, selon les observateurs, de mieux utiliser les crédits européens existants et non pas d’une véritable nouvelle relance budgétaire.

Au total, il ressort de ces différents éléments que le traité budgétaire européen est loin d’avoir une portée « révolutionnaire ». Il s’inscrit davantage dans une longue suite de dispositions visant toutes à contraindre les Etats à adopter une approche plus encadrée et raisonnée des politiques des finances publiques au sein de l’UE. En cela on ne peut le qualifier nécessairement de « traité d’austérité » ; il ne l’est, en toute hypothèse, pas davantage que les précédents. On relèvera par contre qu’il accroît les pouvoirs de contrôle qui devraient en permettre sa bonne application. En cela, il fait davantage participer les différents organes intégrés de l’Union, tels que la Commission et au final, la Cour de justice.

Michel Delpech

Secrétaire général du RCE